Professeur
Biographie
Ph. D., histoire, Université Laval
Alain Beaulieu est entré en fonction au département d’histoire de l’UQAM en 1999, après avoir agi, durant quelques années, comme consultant en histoire auprès de plusieurs organismes (musées, ministères, groupes autochtones…). Spécialiste de l’histoire des Autochtones, il a fait ses études de maîtrise et de doctorat à l’Université Laval. Il s'est d’abord intéressé à l’histoire de l’offensive missionnaire en Nouvelle-France. Son mémoire de maîtrise, qui traitait de l’entreprise de conversion des Jésuites auprès des Amérindiens nomades de la vallée du Saint-Laurent, a été publié en 1990, dans une version remaniée. Au doctorat, il s’est tourné vers l’histoire politique, réexaminant les relations franco-iroquoises pour la période allant de 1600 à 1660. Sa thèse s’attachait au projet politique des Cinq-Nations de la ligue iroquoise, qui, pour reprendre leur propre formule, souhaitaient « ne faire qu’un seul peuple » avec les Français. Depuis une dizaine d’années, il s’intéresse particulièrement à l’histoire des alliances franco et anglo-amérindiennes, de même qu’au processus par lequel les Autochtones de l’est et du centre du Canada ont été progressivement dépossédés de leurs terres et placés sous la tutelle de l'État canadien. L’étude de ce processus est d’ailleurs au cœur des travaux menés dans le cadre de la Chaire de recherche du Canada sur la question territoriale autochtone, qu’il dirige depuis 2004.
Projets de recherche
Chaire de recherche du Canada sur la question territoriale autochtone
La recherche entreprise dans le cadre de cette chaire se concentre sur les anciennes colonies britanniques du centre et de l’est du Canada. Elle couvre une période charnière dans le processus qui conduit à la dépossession territoriale des Autochtones et à leur mise en tutelle, celle qui va de la conquête de la Nouvelle-France (1760) jusqu’à l’adoption de la première Loi sur les Indiens (1876), qui formalise le système des réserves indiennes dans un carcan juridique strict.
Le programme de recherche s’articule autour de trois grands axes.
Les problèmes de la judiciarisation de l’histoire autochtone
Le premier axe de recherche de cette chaire s’inscrit dans le cadre de la réflexion épistémologique sur l’écriture de l’histoire autochtone. Nous entendons y contribuer à travers un angle précis : celui des problèmes soulevés par la réalisation de recherches historiques sur les Autochtones dans un contexte juridique où l’histoire sert de fondement à des droits spécifiques. Ces problèmes se manifestent plus ouvertement dans les travaux résultant de mandats confiés par des organismes gouvernementaux ou par les Premières Nations, mais la « commande » n’est qu’une des manifestations des pièges de la judiciarisation de l’histoire autochtone. Les implications du carcan juridique débordent largement le cadre de la recherche commandée : elles imprègnent de diverses manières le regard que les chercheurs des sciences sociales et humaines portent sur le passé des Premières Nations ou sur des tranches spécifiques de ce passé susceptibles d’appuyer ou de contester des droits. À travers ce premier axe de recherche, il s’agit notamment d’analyser les impacts de la jurisprudence sur les études historiques traitant des Autochtones. Le territoire autochtone se présente comme un champ d’investigation privilégié pour une réflexion sur l’instrumentalisation de l’histoire, dans la mesure où la quasi-totalité des droits qui sont revendiqués ou contestés ont une portée territoriale, qu’il s’agisse des territoires ancestraux, des terres fréquentées pour la chasse ou encore des réserves.
Les conditions de la dépossession et les modalités de la réponse amérindienne
Ce deuxième axe porte sur les conditions matérielles, politiques et juridiques de la dépossession territoriale et sur les diverses modalités de la réponse amérindienne. La dépossession résulte d’abord du choc de deux logiques territoriales opposées : celle des Autochtones, qui sera progressivement marginalisée, et celle des colons et des entrepreneurs eurocanadiens, qui s’imposera comme la logique dominante, surtout à partir du XIXe siècle. Si elle résulte de nouvelles réalités économiques, la marginalisation territoriale des Autochtones témoigne aussi de l’émergence et de l’affirmation d’un nouvel État colonial. Au plan politique et juridique, la dépossession territoriale des Amérindiens se réalise en effet dans le cadre de la constitution d’une nouvelle souveraineté sur le territoire, celle des Britanniques, dont le Canada moderne est l’héritier. Cette souveraineté s’érige face à une autre — celle des Premières Nations — qu’elle doit supplanter, processus qui passe par le contrôle du territoire et la constitution d’une nouvelle légitimité juridico-politique. Nous entendons étudier le cadre idéologique et juridico-politique dans lequel se réalise la dépossession territoriale des Autochtones, pour voir comment elle est légitimée par les autorités coloniales et canadiennes. Le questionnement sur la manière dont les acteurs britanniques et eurocanadiens de cette époque ont rationalisé le processus de dépossession ne peut être dissocié d’une étude des rationalisations amérindiennes. La confrontation des logiques territoriales sur le terrain se combine à un affrontement entre des rationalisations juridiques souvent divergentes. Mais si les « forces de l’histoire » jouent contre eux, les Amérindiens n’assistent pas passivement au processus qui conduit à leur confinement progressif dans les réserves : ils protestent, revendiquent, cherchent à faire valoir leurs droits, invoquant leur occupation ancestrale des lieux, des promesses faites par les Britanniques, des traités, la Proclamation royale ou encore la tradition d’alliance avec les Européens. Sans banaliser les impacts de la dépossession, l’analyse des rationalisations des Autochtones permet de leur redonner un rôle d’acteurs historiques et de mettre en valeur leurs propres conceptions de leurs droits et des rapports qui les unissaient aux puissances coloniales venues s’établir en Amérique du Nord.
La réserve comme nouvel espace autochtone
La création des réserves indiennes, qui découle de la dépossession, redessine un nouvel espace autochtone, fait de fragments des terres que les Amérindiens avaient longtemps été les seuls à occuper et à utiliser. Par ce troisième axe de recherche, nous entendons étudier la constitution de ce nouvel espace, pour dégager : a) le cadre idéologique dans lequel a germé et a évolué l’idée de réserver des espaces clos et restreints pour les Autochtones ; b) la formation concrète de ces nouveaux lieux et le rôle respectif des différents acteurs engagés dans ce processus (qu’il s’agisse de représentants du pouvoir colonial ou des nations autochtones).
Site Internet: www.territoireautochtone.uqam.ca